Le 8 mai de la Fête de Layrac

PDF
Vous êtes ici :

Histoire de Layrac (bis)

Le 8 Mai de la Fête de Layrac.

 Notre village se lit comme un livre ouvert. J'entends souvent, il n'y a rien à voir, on le traverse en moins d'une minute ... en trombe et déjà il a disparu. Certains, cependant vont vanter son panorama du haut des coteaux, où l'or des tournesols se mêle aux mordorés des maïs, aux vertes pâtures qui parsèment la plaine, à l'église néo-romane, à la vierge de l'apocalypse protégeant le bourg, poursuivant par ses étangs, anciens lits du Tarn, entourés de bosquets, gravières où se déploient en novembre les oiseaux migrateurs et en été, le héron silencieux guettant sa proie.

Chemins de randonnée, légumineuses sauvages, découvertes d'anciens sentiers, chemin de halage le long de la rivière satisfont le promeneur, l'herboriste, l'ornithologue mais pas l'amateur d'histoire.

Tentons une autre approche... Layrac, c'est d'abord de l'eau souterraine, une vaste nappe phréatique circulante, ses ruisseaux et le Tarn parfois débordant, une terre alluviale, des cultures diverses, un bourg qualifié d'ecclésial, carrefour en forme de croix et des hameaux épars.

De l'eau, de la Terre et du Soleil...Aux temps préhistoriques, sur notre territoire, de nombreux groupes de chasseurs se déplacent à la recherche d'un gibier qui vient s'abreuver. Les labours profonds ramènent ces silex, pointes ciseaux, tailloirs du Paléolithique, mais aussi ces imbrices et tegulae et nombreux fragments de poterie.

A l'époque Romaine, Layrac se trouve face au port de la Magdelaine, il est probable que des hangars ou entrepôts parsèment notre rive, le Tarn est une voie fluviale d'importance et le restera pendant deux millénaires, avant de retrouver une nouvelle animation que l'on espère prochaine. Les poteries de Montans, destinées à l'exportation par le port de Bordeaux transitent dans ces barques à fond plat et à voile unique, ancêtres de nos gabarres, ainsi que les vins fruités de Gaillac...Monsieur Labouysse a fouillé cet endroit et Monsieur Luga a retrouvé le début d'une voie Romaine empierrée, se dirigeant vers Mirepoix...Enfin, au bas Empire, une Villa, d'un certain Hilarius, riche patricien Gallo-Romain est construite au lieu-dit l'Escalaire.

Une Villa Gallo-Romaine, c'est une entreprise qui abrite paysans, artisans et s'adonne à la production et au commerce, présentant deux parties, la rustica, le secteur économique, avec ses dépendances agricoles ses ateliers de fabrication et restauration, ses logements et sa population serve et le palais du maître et ses annexes, dont la nymphée, aux marbres resplendissants, ancêtres de nos piscines et salles de bain, ces jardins odorants où trônent les héros de l'Olympe et cette cour ouverte à portique... La prospection aérienne a permis de mieux discerner les modes de fabrique...

Cultures céréalières et textiles, vignes rappelant après Bacchus, le sacrifice d'un culte divin qui se répand dans toute l'Europe, le Christianisme, tel est Layrac, à l'aube de ce ténébreux Haut Moyen- Age.

Tout va disparaître... Quand! La date la plus plausible se situe entre 406 et 410. Les Vandales franchissent le Rhin verglacé en compagnie des Alains ( Alan en Comminges), répandant la terreur et la désolation en Gaule, traversant l'Espagne avant de s'établir en Afrique du Nord.

Alors survient un temps où l'écriture est rare, les chroniqueurs peu diserts, seuls les monastères et leur scriptoria conservent et maintiennent la mémoire, un semblant de lois et d'administration, sous l'égide du religieux qui tente de conserver une partie de l'héritage Gallo-Romain.

Zone de transit, de passage : Castres-Montauban, Toulouse-Cahors, notre village naît à l'aube du deuxième millénaire. Monsieur Gérard, ancien conservateur et directeur du Patrimoine a transcrit le cartulaire de Saint-Sernin (ensemble de chartes diplômes, possessions, droits féodaux).

En 1085, un certain Isarn-Dalaisa donne des terres en bénéfice, à l'Abbaye de Saint-Sernin. Les revenus serviront à l'entretien et aux malades de l'infirmerie du monastère qui reçoit les pèlerins de Saint-Jacques, car Saint-Sernin est sur la route du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Papes et Rois viennent en visiter les reliques. Une simple grange, avec dépendances, quelques frères convers et une population clairsemée sous la sauvegarde relative de l'abbaye, telle est l'origine de notre village au pied de la colline limité par le Crève-Cor, des masures en torchis et à pans de bois, au toit de chaume, comportant une pièce à vivre, chauffée par le bétail qui se trouvait à côté, une tour en bois à l'emplacement de l'église, un péage probable sur le trafic du Tarn et une population qui se développe après l'explosion démographique des XII et XIII siècles.

En 1271, Alphonse de Poitiers et son épouse Jeanne la dernière des Raymondines consacrent peu avant leur mort Layrac en bastide. Le porche d'entrée de notre église est surmonté d'un vitrail représentant Saint-Louis, pieds nus, présentant aux fidèles la couronne d'épines du Christ, rachetée à prix d'or à l'Empereur latin de Constantinople. Le roi était le frère ainé d'Alphonse....

Une bastide, c'est pour ses habitants être franc de toute servitude, et pour vous Mesdames, une certaine liberté en matière testamentaire, d'héritages ou de ventes et d'administration de certains biens, de jouissance de douaires suite au décès du mari. Deux consuls, assistés d'un conseil, une assemblée des habitants sur le parvis de l'église, un sergent de ville aux pouvoirs de police, les consuls prêtent serment devant le syndic du vicomte de Villemur, une petite communauté soudée, solidaire lors des épidémies, sécheresses, inondations et cataclysmes de toutes sortes.

La vie de nos ancêtres était rude. Aux guerres étrangères et civiles, aux bandits qui infestaient la région, ainsi en 1592 les habitants virent passer sur leur commune les troupes en déroute de Joyeuse cherchant le refuge de Bessières, seule place catholique dans un environnement protestant les paysans opposaient une foi sans compromission qui régulait leur quotidien. Ils restaient dans leur for intérieur, à l'écart des doctrines nouvelles et plus encore du monde politique.

Comment le sait-on? Regardons ensemble le blason de Layrac. Toutes les communes de France (quelque 36500) n'en avaient pas, L'Europe l'a rendu obligatoire...

Que voit-on? Saint Saturnin et sa palme de martyre, le taureau au licol détaché, la croix du Languedoc, les lys de France (Alphonse de Poitiers) et deux losanges rappelant deux tenures nobles ecclésiastiques ou laïques.

Revenons à la toponymie: étudions les lieux-dits, le suffixe acum signifie implantation gallo-romaine qui en révèle l'antiquité : villa d'Hilarius de Alayraco, il nous révèlent les premiers tenanciers, le vocable Amat ou les cultures, les bois disparus, les chènevières, culture du chanvre à rouir dans les ruisseaux puis à sécher avant de séparer les fibres sous les meules qui les écrasaient, à l'origine de ces toiles inusables qui habillaient nos anciens.

La vie se déroulait, chacun à sa place, sans envie notable, craignant Dieu, l'horloge de l'église sonnait l'Angélus, tradition reprise sous la Restauration et toujours en vigueur, début et fin de l'activité des champs, l'intérieur de maisons, en terre battue était parsemé de fleurs et plantes odoriférantes, les murs blanchis à la chaux, peu de luminaires, des torches et quelques bougies, l'âtre où l'aïeule réchauffait ses rhumatismes, surveillait et la soupe et les petits enfants. Il faisait sombre, l'on étouffait dans la fumée, les odeurs âcres et saisissantes en incommodaient plus d'un!

Survint la Révolution, plutôt bien accueillie même si elle fut plus profitable aux notables qui s'enrichirent par l'achat de biens nationaux avec une monnaie dévaluée, les assignats et contrariés par les attitudes vexatoires en matière religieuse.

En Juillet 89,on sonne à Layrac le tocsin, des informations peut être répandues par les agents du Duc d'Orléans laissent craindre une répression et l'abandon des premiers décrets pris par la nouvelle Assemblée nationale qui se déclare constituante, issue des États généraux. Ils sont signalés partout et d'autant plus redoutables qu'ils n'existent pas, mais cela engendrera la nuit du 4 Août, l'abandon des privilèges et la destruction à venir des chartriers brûlés en holocauste, redoutable terreur d'une mémoire honnie donc ensevelie.

L'église, avec son admirable clocher en forme de lyre, déjà vétuste est transformée en temple de la raison... La bastide devient municipalité, les visites domiciliaires à la recherche des ci-devants réactionnaires se multiplient ce d'autant que la population est restée dans son ensemble attachée à ces bons prêtres réfractaires au serment envers la constitution civile du clergé.

Layrac connaitra sous le Directoire l'arrestation chez les Teyssere de l'Escalère du prêtre Viguier et de son neveu qui sera déporté. Ceux qui cachaient aux autorités ces suppôts de l'ancien régime risquaient la mort ou le bagne, au mieux un emprisonnement...Il fallait selon l'expression de Voltaire «Tuer l'Infâme» .L'ainé âgé et bléssé est confié à la garde, le neveu croupit dans les geôles...

Puis survient la Loi Jourdan, la conscription qui enlève les bras utiles aux travaux des champs; Après le Directoire, sa corruption, sa gabegie survient avec Bonaparte la paix civile et religieuse enfin recouvrée. Layrac l'a marquée par cette superbe croix en fer forgé portant les attributs de la Passion et judicieusement déplacée au carrefour. Elle porte la date de 1802.

La prospérité renaît au moins jusqu'en 1808, c'est pendant cette période que se construit le château des Felzins, une ancienne famille de magistrats toulousains dont l'hôtel, avec une porte renaissance de toute beauté se trouve rue de la Dalbade à Toulouse.

S'il n'y avait cette fâcheuse conscription, cette guerre d'Espagne meurtrière, guerre d'escarmouches et de partisans, le blocus Anglais qui paralyse l'économie, les progrès sont là, en matière de cultures d'engrais, de méthodes, la pomme de terre, le maïs, la luzerne se développent. L'alimentation se diversifie, le premier vaccin contre la variole apparaît pour la troupe... L'armée anglaise s'approche de Toulouse, avril 1814, va-t-'elle franchir le Tarn! Les paysans apprécient Wellington qui paye bien et réprime tout brigandage de ses troupes. Vivement la paix et notre sauveur Louis XVIII.

Les accapareurs de bien nationaux ne sont pas rassurés, mais la charte magnifique constitution du pardon et d'équilibre apaise les passions, sauf celles de ces royalistes qui aspirent au retour de l'ancien régime. Le religieux triomphe dans nos campagnes, moins dans les villes, ce sont nos croix de Mission, les prédicateurs appellent à ré évangéliser en tenant compte de l'irruption de doctrines nouvelles dont l'église dénonce les excès; il en sera ainsi du libéralisme, du socialisme. En

matière de démocratie, elle proclame que la liberté est tempérée par le message divin en matière de mœurs notamment. Les blancs dans nos villages vont s'opposer aux rouges.

La politique entre avec l'arrivée du Prince-Président, 1848-1851. Louis-Napoléon Bonaparte, porteur des anciennes gloires de son oncle. Une plaque dans la salle du conseil de notre mairie nous rappelle que tout Layrac a voté massivement pour le rétablissement de l'Empire, sauf un probablement le légitimiste, Monsieur Teyssere.

Les routes sont améliorées, les Chemins de Fer apparaissent; Montauban-Saint-Sulpice Villemur-Toulouse. L'on prend le train à La Magdelaine, l'on change à Saint-Sulpice pour Toulouse, c'est le début du désenclavement de l'aventure vers la ville autrefois réalisée par les seuls jeunes gens pour le service militaire. L'éducation pour tous garçons et filles se démocratisent avec Jules Ferry (lois de 1882). Un instituteur de Layrac, Sanseby écrit la première monographie. Avec le développement économique, le commerce et l'industrie mécanique, alimentaire sollicitent des gens instruits, capables de comprendre les consignes mais aussi de maintenir un climat patriotique, avec en perspective la reconquête des provinces perdues ( l'Alsace et la Moselle).

On assiste au brassage des populations, même s'il persiste l'appartenance au village personnifié par son clocher qui égrène les heures. Veillées, fêtes des battages, des vendanges, exploits de chasseurs rivalisent avec les jeux collectifs qui se développent entre communes, notamment la Soule, ancêtre du Rugby..

Puis dans une Europe divisée en proie aux nationalismes et aux idéologies, survient l'hécatombe de la Grande-Guerre. Notre village en sort meurtri, la démographie chute, demeure cependant une vie paisible et solidaire,cafés, commerces aux produits parisiens, colifichets de toutes sortes,p résence de la poste maintiennent une activité sociale; Layrac se dote d'une industrie, la biscuiterie, de grands travaux sous l'administration de Léon Teysserre, changent l'aspect et améliore la vie des habitants.

C'est ce même esprit qui aujourd'hui nous réunit autour de talents qui se montrent de diverses manières, gardant cet élan de fraternité, de sociabilité propre à nos campagnes. On s'inquiète de ces voisins, de leurs besoins, sans être importun.

Mon village est une famille élargie.....

R. Mosnier